subject: Vivent Les Sorcires [print this page] Pour sa dernire exposition la galerie Templon, Grard Garouste aborde le Faustde Goethe mais aussi luvre populaire qui la prcd. Il y privilgie le thme des sorcires, pour lui intimement li celui de la connaissance, pour ne pas dire de lignorance qui se perptue.
Pauvre crne vide, que me veux-tu dire avec ton grincement hideux ? Cest lapostrophe de Faust conduit dans les affres du dsespoir par la recherche dune vrit quil sait dsormais ne jamais pouvoir atteindre. Il pense alors au suicide devant cette vanit. Cette fois, le trs singulier Grard Garouste, fidle son approche des grands mythes de la littrature occidentale moderne (son uvre sest dj nourrie de Dante, Cervants et Rabelais), lit, questionne et nous donne son Faust. Cest un Faust trs personnel, pas seulement en ce que ses toiles multiplient les autoportraits o lartiste donne ses traits Mphisto aussi bien qu Faust lui-mme, ou encore parce que son Walpurgisnachtstraum, Songe dune nuit de Walpurgis, est peupl de visages de ses familiers et de souvenirs personnels, mais quil se dgage prcisment quelque chose de tout fait familier de cette vaine pope de la connaissance. Au fil de son uvre, Garouste ne nous nonce pas autre chose en effet que lidentit des grands mythes avec nous-mmes. Ils sont nous, nous dvoile et nous laissent pantelant devant un gouffre plus grand. Do les grimaces et lhumour, au fond rponse ultime, en tous cas celle de lartiste. Et lon procde avec humour, indique-t-il, suivant lorigine de cette pice populaire issue du thtre de rue. Car sil est vrai que lhumour nest pas le caractre le plus remarquable de luvre de Goethe, Grard Garouste en fait un usage qui ne la dnature en rien.
Luvre de Grard Garouste est profondment pense, on pourrait mme dire triture dans la rflexion. Pourtant ce nest pas ce qui saute aux yeux premire vue. La trituration des corps est dabord vidente, et lclat des couleurs. Garouste se reconnait pour matre Giorgio De Chirico, mais on ne peut pas ne pas penser au Greco devant les toiles qui forment cette exposition, et naturellement Delacroix, illustrateur de la mme uvre, qui sil ne met pas en scne des formes monstrueuses au visage humain tantt simiesque tantt tonnamment serein, nen a pas moins appliqu la mme longation et contorsion de ses figures. Dans Vanit au miroir et Vanit au singe, Garouste en appelle Holbein en reprenant le crne des Ambassadeurs(uvre de 1533). Le thme mme de cette exposition rside dans ces associations libres, commente-t-il lui-mme. Dans Lharfang et la souris rouge, tableau extrmement frappant peupl, en arrire-plan dun portrait des plus classiques, dectoplasmes et des contorsions multiples dun sabbat furieusement sexuel, il voque le secret, qui soppose au mystre en ce quil se transmet, livrant lun de ceux qui constituent le travail prsent : Du Faust de Goethe, la connaissance et les sorcires sont les deux thmes que jai privilgis, lun tant, pour moi, indissociable de lautre. travers les sorcires qui ont des visages amis, Garouste aborde le thme de la misogynie, issue dune trahison du texte biblique (Eve ne peut tre tenue pour responsable de la faute dAdam, nexistant pas encore ce moment fatidique) mais maintenant inscrite au plus profond de notre mmoire et que nous sommes incapables de remettre en cause . Cest donc une dnonciation de la non-connaissance.
